Ecole Supérieure d’Art Annecy Alpes

Annecy (74)

2021 - en cours

Découvrir ou redécouvrir le site des Marquisats, c’est explorer la générosité d’une œuvre en osmose avec son environnement, la grandeur de son patrimoine, emblématique de l’Architecture XXème, signée André Wogenscky et Louis Miquel.
La matérialité brute de l’ensemble entre en résonance avec la richesse spatiale de ce lieu voué à la jeunesse, qui, comme un symbole, est aujourd’hui occupé par l’École Supérieure d’Arts Annecy Alpes.
Les multiples cheminements permis par ces espaces imbriqués, la lumière naturelle distillée à travers les ouvertures qui offrent à tous les niveaux des vues imprenables sur l’horizon du lac d’Annecy et des vues plus confidentielles sur la forêt du Semnoz, constituent des sources inépuisables d’inspiration pour les étudiant.e.s de l’ESAAA, qui se sont appropriés les lieux et y expriment au quotidien leur créativité.
Tout ce potentiel remarquable s’est néanmoins terni avec les années, marqué par une usure fonctionnelle et thermique qui dessert autant ses utilisateurs que son patrimoine. Pour redonner au site cohérence et vitalité, nous sommes venus nous positionner en intermédiaires discrets, entre le présent du bâtiment dont il faut transcrire les principes modernes, et le futur de l’école d’art, en quête de confort et de modularité.

Données du projet
Adresse

52 Bis Rue des Marquisats
74000 Annecy

Maîtrise d'ouvrage

Grand Annecy

Images

Photos historiques : Fondation Marta Pan et André Wogenscky
Photos état des lieux : Vladimir de Mollerat du Jeu
Perspective : Jeudi Wang

Programme

Rénovation des surfaces affectées à l’École Supérieure d’Art Annecy Alpes sur le domaine des Marquisats

Contexte et distinctions

Le site des Marquisats est  inscrit au titre des Monuments Historiques en 2024

Equipe

Architecture, Economie, QEB : Vurpas Architectes
Structure : Le BE Associés
Fluides : EGC Capaldi
Acoustique : Génie Acoustique
Accessibilité : Handigo
Signalétique : Atelier Vogue
OPC : Arpège

André Wogenscky (1916 - 2004)

Né en 1916 à Remiremont, André Wogenscky intègre l’École des Beaux-Arts de Paris à 18 ans. 2 années plus tard, il rencontre Le Corbusier et devient dessinateur au sein de son atelier de la rue de Sèvres. Il passe 20 années auprès de lui, et est cosignataire de certains célèbres projets, comme l’Unité d’Habitation de Marseille et la Maison Radieuse de Rézé (1955) ou encore le pavillon du Brésil à la Cité universitaire de Paris. Wogenscky a également contribué à la mise au point du Modulor et au développement des Congrès Internationaux de l’Architecture Moderne (CIAM). Il crée sa propre agence en 1957 et gagne encore en notoriété. C’est à ce moment charnière de sa carrière qu’il conçoit la Maison des Jeunes et de la Culture d’Annecy, sur le site des Marquisats, entre inspiration corbuséennes et expression de sa propre architecture.

 

Louis Miquel (1913 - 1987)

Né en 1913 en Algérie, il entre en 1927 à l’école des Beaux-Arts d’Alger. Il y obtient une bourse pour poursuivre ses études à Paris et travaille, comme André Wogenscky, en tant que dessinateur dans l’atelier de Le Corbusier à 20 ans.

Il alterne les projets entre la France et l’Afrique du Nord, réalisant notamment son œuvre majeure, l’Aéro-habitat d’Alger, avant de transférer définitivement son atelier à Paris, à l’indépendance de l’Algérie, en 1962.

La dernière partie de sa carrière est marquée par son amitié avec André Wogenscky, qui l’oriente sur les programmes culturels. Il réalise en 1965 la MJC de Bures-sur-Yvette avec lui, et aménage le Musée des Beaux-Arts et d’archéologie de Besançon la même année. En 1965, il conçoit la deuxième tranche de la Maison des Jeunes et de la Culture des Marquisats.

Le site des Marquisats au début des années 70

Entre lac et montagnes, faire corps avec le grand paysage

Les bâtiments des Marquisats bénéficient d’un cadre naturel exceptionnel. Le premier projet de André Wogenscky est implanté à mi-pente, entre le lac et la montagne. Ici, l’architecture fait corps avec le relief. Etagé sur la pente du site, le bâtiment est construit sur pilotis suivant les préceptes modernes. Pour y accéder, une rampe s’élève pour mettre en scène son entrée principale. Elle prolonge les chemins existants qui ondulent dans la pente et invite le visiteur à entrer. C’est le début d’un parcours architectural intérieur d’une grande qualité.
Avec la seconde tranche de travaux des années 70, Louis Miquel prolonge le parcours architectural jusqu’à l’espace public des bords du lac, implanté trois niveaux en contre bas de la première tranche. L’architecte introduit alors au cœur de son bâtiment, un jeu continu de rampes largement dimensionnées. L’effet recherché est réussi, « cette artère sera l’âme de la maison ».

 

« On monte insensiblement par une rampe, ce qui est une sensation totalement différente de celle donnée par un escalier formé de marches. Un escalier sépare un étage d’un autre : une rampe relie »

Le Corbusier

Ancrer dans un bâtiment patrimonial, l'école d'art de demain

Soixante ans après leurs constructions, les bâtiments ont vieilli. Ils sont aujourd’hui méconnus, peut-être aussi mal aimés et incompris du grand public. La MJC n’existe plus et les différentes entités présentes sur le site semblent se tourner le dos. Avec son inscription récente aux monuments historiques, l’architecture des Marquisats est maintenant ancrée dans l’histoire d’Annecy. Mais ce patrimoine remarquable du XXème siècle doit aujourd’hui se réinventer.

Le site des Marquisats a été conçu comme un lieu d’ouverture, dédié à la jeunesse, à la culture et aux synergies qui peuvent s’y créer. Y installer l’Ecole supérieure d’Art d’Annecy, à la fin des années 1990, a permis de prolonger ces ambitions. Elle offre un cadre de créativité exceptionnel aux étudiant-e-s, qui se sont appropriés ces bâtiments emblématiques de l’architecture du XXème. Malgré toutes ces potentialités, le site n’en demeure pas moins complexe et marqué par l’usure, tant d’un point de vue fonctionnel que réglementaire. Aussi, les besoins des étudiants ne cessent d’évoluer. Les espaces de travail ne sont plus adaptés aux pratiques d’aujourd’hui, dépréciant au fil des années l’image et les qualités architecturales du lieu. Il est donc devenu nécessaire d’offrir aux Marquisats un renouveau, révélant sa richesse patrimoniale, tout en proposant une rénovation contemporaine et frugale, pour y vivre et y créer confortablement.

Plan du R+3 (niveau d'entrée du bâtiment W )

La règle du bon usage au bon endroit

Les grandes entités programmatiques d’une école d’art de demain requièrent des conditions spatiales et de confort adaptées aux nouvelles pratiques artistiques. Ici, notre approche s’appuie essentiellement sur les spécificités et les contraintes de l’architecture remarquable que l’école a investit. Afin de tirer le meilleur parti du déjà là et solliciter les outils bioclimatiques disponibles, nous réorganisons chaque usage de l’école actuelle dans les lieux les plus propices . Cet ajustement fin de l’organisation spatiale au plus près des différentes conditions de confort qu’offrent naturellement (ou presque) les différents espaces à disposition, s’effectue au regard de l’enveloppe existante (inertie, isolation, qualité de l’étanchéité à l’air, performance des menuiseries, protections solaires…), mais aussi de la possibilité à effectuer les modifications nécessaires en cohérence avec l’œuvre architecturale à respecter. Nous prenons également en compte la géométrie du local plutôt profitable à une occupation dense et intermittente, ou bien au contraire continue au fil de la journée. Ce raisonnement propose aussi de créer une « gradation » des ambiances thermique, acoustique et lumineuse. Par exemple, si certains espaces nécessitent d’être chauffés confortablement, selon leurs usages et le temps d’occupation d’autres plus spécifiques pourront supporter une température moindre, voir ne pas être chauffés. Ou encore certaines pratiques artistiques requièrent une grande quantité de lumière naturelle tandis que d’autres sont plus agréables lorsque la lumière se fait plus discrète…

« L’architecture n’est jamais finie, jamais atteinte. Elle est continue, continuée. Elle est évolution. Elle est toujours recommencée. »

André Wogenscky, "Architecture Active", 1972
Atelier 1ère année - croquis d'étude