Manufacture des Tabacs

Strasbourg (67000)

2016 – 2023

Dans le cadre de l’opération campus de l’Université de Strasbourg,  le pôle d’excellence Géosciences, Eau, Environnement, Ingénierie (G2EI) a pris place au sein de l’ancienne Manufacture des tabacs, réhabilitée et agrandie. Ce pôle, qui occupe près de 11 000 m², accueille des formations dispensées par deux écoles d’ingénieurs : l’École nationale du génie de l’eau et de l’environnement (Engees) et l’École et observatoire des sciences de la terre (Eost), ainsi que d’autres pôles de recherche liés à ces thématiques. La mutation d’usage est venue s’insérer avec respect et douceur, s’appuyant sur l’organisation naturellement suggérée par les typologies structurelles des espaces existants. La Manufacture, conçue à l’origine à l’échelle des machines et de l’industrie, est aujourd’hui réhabilitée et transformée à l’échelle des étudiants et de la recherche.

Données du projet
Adresse

7 rue de la Krutenau
67000 Strasbourg

Images

Images historiques : Archive de la ville et Eurométropole de Strasbourg
Photos état des lieux : Université de Strasbourg
Photos du projet réalisé : 11h45 – Florent Michel
Perspective : Studio Grenade

Maîtrise d'ouvrage

Université de Strasbourg

Programme

Réhabilitation et extension de l’ancienne Manufacture des Tabacs pour accueillir le nouveau pôle universitaire d’excellence géosciences, eau, environnement, ingénierie (G2EI).

Equipe

Architecture, Économie : Vurpas Architectes
Structure, Fluides : AIA Ingénierie
QEB : AIA Environnement
Acoustique : EAI
Signalétique : Atelier Vogue

Contexte et distinctions

Inscription à l’inventaire des Monuments Historiques

Le modèle Rolland

A partir de 1849, la nouvelle Manufacture des Tabacs de Strasbourg est construite par étapes successives sur une période de 18 ans suivant un plan régulier autour d’une cour fermée, des bâtiments de la chaufferie et des machines. Conçue par l’ingénieur Eugène Rolland, en charge du déploiement de l’industrie du tabac, elle fait figure de prototype du modèle organisationnel des 16 autres manufactures qui seront construites par la suite, à travers la France, principalement au cours de la deuxième moitié du XIXe.
Ce « modèle Rolland » se caractérise par sa rigueur constructive, avec des travées simples et bien composées, accompagnée d’une répétitivité très affirmée des façades donne toute sa force à l’ensemble. Après 158 ans d’activité, les mutations progressives de l’industrie du tabac ont mené vers la fermeture définitive de la Manufacture strasbourgeoise en 2010, mettant alors à disposition un patrimoine emblématique ancré dans la mémoire collective de ville pour de nouveaux usages. Son positionnement stratégique entre le centre historique et le campus universitaire de l’Esplanade en ont fait le site idéal pour offrir une interface plurielle, ouverte sur le quartier et sur la ville.
Désormais détachée de ses fonctions industrielles, la grande Manufacture est transformée en un lieu de vie incontournable du quartier de la Krutenau, accueillant différents programmes ; une auberge de jeunesse, un pôle métiers, des locaux pour la Haute Ecole des Arts du Rhin et le pôle d’excellence GE2I. C’est sur ce dernier que s’est concentrée l’intervention de l’agence.

Photo aérienne, quartier de la Krutenau, année 1960
Ecotage et époulardage - Mouillade préparatoire des scaferlatis
Une feuille de tabac

Certains verront les ramifications d’un cours d’eau, d’autres des structures géologiques… Une seule certitude : c’est une synthèse imagée des thèmes passés et à venir de l’activité de la Manufacture, désormais dédiée à la recherche en géosciences et en environnement.

La Manufacture s'ouvre

Le tabac était une ressource précieuse et son exploitation devait être préservée du regard public. L’architecture de la Manufacture a donc été pensée pour protéger cette industrie, rendant certaines de ses interfaces plus introverties. Si la façade principale sur la rue de la Krutenau offre deux porches de part et d’autre du pavillon de tête qui sont des entrées naturelles vers le cœur du site, historiquement, la façade opposée rue de la Manufacture constituait autrefois un arrière logistique bien moins propice à devenir une interface publique. Aujourd’hui, cette partie a vocation à s’ouvrir sur la ville. Il était donc nécessaire d’utiliser les bons codes pour rendre l’entrée accueillante et éveiller l’intérêt des publics (habitants, passants, visiteurs, étudiants…)
La façade construite à l’alignement du porche d’entrée sur le site suit précisément le cintre de la baie dans sa partie haute et reprend la hauteur du socle en gré. Cette forme douce qui accompagne le piéton et l’invite à entrer est aussi une réponse à l’enjeu urbain évoqué précédemment.
Sur la rue, un motif matricé imprime le béton teinté. Un relief qui suscite la curiosité de ceux qui la découvrent. En résonance avec les nervures des feuilles raffinées de tabac, l’interprétation se veut toutefois libre. Certains verront les ramifications d’un cours d’eau, d’autres des structures géologiques… Une seule certitude : c’est une synthèse imagée des thèmes passés et à venir de l’activité du site, désormais dédié à la recherche en géosciences et en environnement.

L'esprit des lieux, un équilibre délicat à préserver

L’usure et l’imperfection enrichies de l’expérience du temps ont été préférées dans le projet au remplacement systématique et aux procédés « faciles » qui auraient caché ce qui constitue les forces du lieu. Faire le choix de réhabiliter la Manufacture, c’était faire le choix du réemploi d’une formidable et vaste ressource qui dispose de toutes les qualités pour sa mutation d’usage. Nous avons donc modelé notre intervention aux équilibres délicats qui composent l’esprit et la puissance de la Manufacture, en nous appuyant sur les atouts de l’existant et en proposant une architecture respectueuse de son identité.

Conserver l'authenticité structurelle pour organiser la nouvelle Manufacture

Derrière une apparente homogénéité, les systèmes constructifs poteaux-poutres initiaux se sont largement diversifiés au grès des époques et des usages : pierre, bois, fonte moulée, métal riveté, profilés métalliques du commerce, béton qui participent aussi pleinement à définir l’esprit des lieux selon les secteurs. Ces procédés constructifs ont qualifié l’architecture de la Manufacture telle qu’elle est parvenue jusqu’à nous avec une constante : une vérité constructive qui donne toujours « à voir » ces structures. Ces beaux poteaux rattachent le regard au lieu, à son histoire. Nous nous sommes appuyés sur leur diversité pour proposer une partition claire des différentes zones d’enseignement, de recherche et des espaces communs aménagés pour le programme du pôle G2EI.  Ils sont donc conservés et restaurés, au service d’une simplicité pour organiser la Manufacture. Cette lecture est mise en valeur par des couleurs appliquées aux poteaux selon les typologies, en contraste avec le traitement sobre des cloisons et plafonds.

 

La diversité des espaces qui composent l'Université

Enseignement et recherche ont pris leurs quartiers dans les murs de la Manufacture, bénéficiant désormais d’une multitude d’espaces, aussi diversifiés que leurs usages.

Le pôle d’accueil est placé dans un des lieux emblématiques de la Manufacture, là où les poteaux sont en métal riveté, posés sur des socles en pierre. Le grand hall est organisé comme une salle du chapitre : c’est un lieu de rassemblement tantôt informel, tantôt solennel, avec un gradinage en périphérie. Les structures très présentes, les matières patinées par le temps et l’usage, la générosité du volume…Toutes les conditions étaient réunies pour devenir un point d’entrée et de rassemblement central, chaleureux. Les amphithéâtres et une grande partie des locaux d’enseignement viennent s’installer dans le prolongement de ce bel espace, garants tout autant de l’animation du cœur du site. Les pôles tertiaires administratifs et de recherche viennent occuper les étages des 2 ailes dans lesquels nous sommes intervenus.

Enfin, l’extension neuve prend symboliquement place au cœur de la Manufacture, au cœur de la recherche. Dimensionnée pour accueillir les expérimentations à grande échelle, son grand volume fait aussi écho à la générosité des espaces caractérisant le bâtiment historique. C’est un grand volume capable qui, au-delà des besoins actuels, doit permettre tous les possibles, comme un grand « terrain de jeu » pour la recherche. De l’extérieur, cette nouvelle halle reprend la teinte, la minéralité, la massivité et le gabarit du socle en grés de la Manufacture.