Le U, bâtiment d’accompagnement de la Tour Panoramique

Lyon - La Duchère (69009)

2019–2023

Frappé de désuétude, souffrant d’une image dépréciée et d’un climat social en tension, le quartier de la Duchère et les ensembles modernes remarquables qui le composent ont bien failli subir, les uns après les autres, une politique de table rase. Démolir pour reconstruire, faire peau neuve, était la voie facile, rapide, l’accord tacite pour éviter les remises en question. Cela aurait pu être le sort du bâtiment d’accompagnement de la Tour Panoramique. Socle indissociable, permettant la transition entre la verticalité ostentatoire et l’échelle du piéton, le « U » était endormi, délaissé, oublié, alors que les qualités de son architecture moderne n’attendaient que d’être restaurées. Prendre le temps de comprendre, comparer, tester, différents scénarios d’intervention nous a permis de proposer une réhabilitation conjuguant restauration patrimoniale minutieuse, et rénovation thermique profonde, au service du bâti. Aujourd’hui, les habitants et le quartier ont redécouvert leur patrimoine, ils ont réappris à l’aimer et à en être fiers. C’est aussi cette reconnaissance qui donne du sens à notre travail.

 

Données du projet
Adresse

229 Avenue du plateau
69009 Lyon

Images

État des lieux et chantier : Kévin Dolmaire
Projet réalisé : Vladimir de Mollerat du Jeu
Autre : Philippe Juste
Document historique : Fond François-Régis Cottin – Archives Académie d’Architecture

Maîtrise d'ouvrage

Groupe SERL
Copropriété de la Tour Panoramique

Programme

Réhabilitation du bâtiment d’accompagnement de la Tour Panoramique pour accueillir des usages tertiaires et aménagement des espaces publics de la copropriété.

Équipe

Architecture, Économie : Vurpas Architectes
Structure : UBC
Fluides, Thermique, QEB : Amoès
Réemploi : Ginger Deleo
Paysage : Indigène
CSSI : FCS
OPC : O2P

Dossier de presse
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Esquisse n°4 de la façade nord - François Régis Cottin

« Tu sais que c’est moi qui l’ai faite? – Quoi?  – Cette tour. Si je m’attendais à ça. J’ai fait la maquette, vingt-six étages, quarante facettes, trois cents balcons à fixer avec des points de colle, et même une petite pièce de plexiglas comme une antenne au sommet ; c’était très futuriste mais on ne l’a pas installé, le futur n’est pas venu comme prévu »

Alexis JENNI - Féroces infirmes - Edition Galimard

La tour et son socle : reconnaissance d'un patrimoine moderne

À la fin des années 1950, à Lyon, le nouveau quartier de la Duchère, conçu comme une « ville nouvelle », s’est installé sur le vaste plateau qui s’étend le long d’un axe Sud-Nord. Les architectes et urbanistes du projet, François-Regis Cottin et Franck Grimal ont choisi d’appuyer cette position topographique dominante en installant sur les crêtes du Plateau de grands ensembles modernes et, au centre, une Tour panoramique entourée de petits équipements de services. L’implantation de ces bâtiments, au delà de leur « forte dimension physique et symbolique » offrait aux logements des vues spectaculaires vers l’Est et vers l’Ouest, participant ainsi à leur confort et à leur qualité. En contrepartie, cette implantation à distance du cœur de ville, conjuguée au phénomène de concentrations spatiales des populations à faible revenu dans ce type de quartiers périphériques depuis les années 1960, le manque de mixité et l’isolement engendrés ont créé une véritable coupure du quartier, qui fut totalement délaissé.
Afin de dépasser ces difficultés, un projet de renouvellement urbain a été initié au début des années 2000 pour réhabiliter ce quartier au patrimoine riche et méconnu, mais aussi pour réhabiliter son image et son attractivité.

 

La Tour Panoramique, ensemble bâti composé d’une tour de logements et d’un bâtiment tertiaire en forme de U,  programmée comme un centre-ville avec ses commerces, ses équipements et ses services représente aujourd’hui l’une des dernières traces de l’histoire de ce quartier autrefois si prometteur.
Dans une démarche de reconnaissance et de protection du patrimoine récent du XXe, la Tour a fait l’objet d’une rénovation de ses façades entre 2005 et 2010 et a obtenu à cette occasion le label Architecture Contemporaine Remarquable. Si tous les lyonnais sont familiers avec ce long cylindre dentelé en béton apparent qui prend si bien le soleil, rares sont ceux qui visualisent son élégante accroche au sol indissociable de son bâtiment bas d’accompagnement, pourtant si fondamental dans la composition initiale du quartier de la Duchère. Petit édifice construit sur 3 côtés, posé avec légèreté sur des pilotis béton en T et rythmé par d’élégantes façades rideaux, il assure la transition entre la Tour monumentale et l’échelle du piéton avec les codes de l’architecture moderne. Voué un temps à la démolition, comme de nombreux ensembles dans ce périmètre, la nécessité de sa sauvegarde a finalement été entendue, au profit de la copropriété et de la mémoire patrimoniale du quartier de la Duchère.

« Livré quatre ans avant la tour du Crédit Lyonnais (1976), la tour panoramique de la Duchère va marquer durablement le paysage urbain de Lyon au point de s’imposer comme le symbole de sa « troisième colline » à laquelle elle donne une échelle spectaculaire et vertigineuse. »

Philippe DUFIEUX - La Duchère , une histoire au futur

Restaurer et adapter les façades rideaux

Le changement d’image du bâtiment U passait obligatoirement par la rénovation de ses façades. L’existant présentait des façades rideaux, caractéristiques de la production architecturale des années 60. Leur esthétique et leur fonctionnalité ont été fortement ternies par les années et nécessitaient un traitement en profondeur afin de leur rendre leur superbe.
Nous avons étudié et développé plusieurs scénarios pour le traitement des façades afin de rester dans l’esprit de la conception initiale et de préserver au mieux les ressources existantes. Nous avons donc choisi d’adopter une démarche éco-responsable et patrimoniale en remplaçant seulement ce qui était indispensable, et en apportant les modifications nécessaires pour atteindre les exigences thermiques.
Les façades présentaient globalement un aspect dégradé à cause de la détérioration des panneaux sandwich en bout de vie, cependant les épines en aluminium extrudé étaient en très bon état de conservation pour assurer leur fonction. Elles ont donc été conservées en totalité, nettoyées et restaurées pour retrouver leur aspect d’origine.
Les panneaux sandwich sont remplacés par des panneaux neufs recouverts d’aluminium anodisé mat – dotés d’une très forte pérennité – dans une teinte sombre, reprenant le langage de l’existant mais s’adaptant à la teinte des châssis restaurés de la Tour Panoramique et en résonance avec les ensembles menuisés de la nouvelle résidence CROUS située en face.
Les châssis existants sont remplacés par des châssis oscillo-battant en aluminium laqué de la même teinte que les panneaux pleins. Il y a une alternance de châssis fixes et de châssis ouvrants afin que chaque bureau dispose d’au moins une ouverture. Ils sont répartis de façon continue sur les façades extérieures et les pignons Nord. La logique des bandeaux vitrés souhaités par Cottin réapparait. La cohérence et l’élégance des façades sont ravivées.

Plan des rez de chaussée

Nous avons souhaité retrouver les qualités des halls dessinés par F. R. Cottin en leur offrant une nouvelle lisibilité. En effet, avant notre intervention, les accès se faisaient par l’intérieur du bâtiment et au niveau rez-de-chaussée haut, il était donc difficile de savoir où se trouvaient les entrées des bureaux. L’enjeu consistait donc à afficher une façade d’entrée claire et identifiable sur l’avenue du plateau en ouvrant un accès de plain-pied aux bureaux depuis l’espace public.

Les bétons retrouvent leurs lettres de noblesse

François-Régis Cottin s’est attaché à valoriser le matériau béton en mettant en oeuvre, à la manière d’un sculpteur de pierres, différents types de finitions, notamment sur les abords du bâtiment socle et de la Tour. Cette diversité des aspects des bétons est une richesse inédite de l’existant que nous avons soigneusement restauré, toujours dans un souci de préservation patrimoniale. Ces qualités étaient peu lisibles en raison de nombreuses dégradations (traces d’incendies, de pollution, des graffitis…) qui confèraient au lieu un aspect délaissé et insalubre. La restauration des bétons était donc une étape cruciale de la valorisation du patrimoine et du changement d’image de la copropriété. Grâce à une fine analyse et un traitement délicat, textures et colorimétrie d’origine sont ravivés. L’ensemble offre une composition graphique remarquable, au service du prestige retrouvé du bâtiment et de ses abords.
Plus généralement, les matériaux des années soixante ont été soigneusement restaurés pour retrouver leurs éclats d’origine. Des apports de nouveaux matériaux quand cela était nécessaire, viennent s’inscrire dans la continuité de ceux déjà présents. Seule l’asphalte rouge, au terme de son cycle de vie, a été remplacée par une teinte beige, en résonance avec celle de l’esplanade François-Régis Cottin et du square des marronniers alentours. Elle permet d’apporter lumière naturelle et sérénité.
Habitants et piétons peuvent désormais redécouvrir et mieux apprivoiser ce patrimoine qui fait la richesse de leur quartier.